1. Témoignages : quand l’odeur devient un obstacle
L'affaire Mustapha Benmammar
En 2006, Mustapha Benmammar, jardinier à Montréal, découvre après 15 ans de service qu’on lui reproche une odeur corporelle « dérangeante ». Malgré son hygiène régulière, il est mis à l’écart et subit humiliations et isolement professionnel. Refusant l’utilisation de produits chimiques pour des raisons religieuses, il entame un combat judiciaire contre la Ville de Montréal, dénonçant une atteinte à sa dignité.Discrimination dans les transports
En 2024, huit passagers noirs sont expulsés d’un vol American Airlines après une plainte d’odeur. Aucun d’eux ne se connaissait. Trois d’entre eux ont porté plainte pour discrimination raciale, considérant l’odeur comme un prétexte pour les exclure.Témoignages du quotidien
De nombreux Africains racontent des situations similaires : remarques sur des plats épicés, huiles capillaires ou encore tenues imprégnées d’odeurs de cuisine. Sur YouTube, des créateurs conseillent aux nouveaux arrivants de surveiller leur odeur corporelle pour favoriser leur intégration sociale et professionnelle.2. Perceptions culturelles et sociologie des odeurs
L’odeur comme outil de distinction sociale
Historiquement, on a souvent attribué aux groupes dominés des odeurs repoussantes pour justifier leur marginalisation. L’odeur de « l’autre » devient un marqueur d’altérité, une construction culturelle renforcée par les stéréotypes raciaux.Une étude scientifique (PNAS) révèle qu’un t-shirt imbibé de sueur est jugé moins dégoûtant s’il provient d’un membre de son propre groupe culturel.Poids des stéréotypes racistes
Des habitants du Nouveau-Brunswick interrogés sur les immigrants africains les ont associés à une mauvaise hygiène – preuve que les mythes coloniaux persistent, avec des conséquences concrètes sur la perception des travailleurs afrodescendants.3. Facteurs réels : hygiène, climat, alimentation
Normes d’hygiène différentes
En Amérique du Nord, la norme impose une neutralisation totale des odeurs : douche quotidienne, vêtements propres, déodorant. En Afrique, selon les régions, la tolérance à l’odeur naturelle est plus élevée, et les solutions privilégient parfois les huiles parfumées ou les parfums naturels.Le climat canadien modifie aussi la transpiration : les manteaux, le chauffage, et la sécheresse de l’air peuvent provoquer des odeurs « discrètes mais tenaces » que certains nouveaux arrivants ne perçoivent pas.Impact de l’alimentation
L’odeur corporelle est influencée par la nourriture. Les plats riches en épices, ail ou poisson fermenté (courants en Afrique) peuvent laisser une trace olfactive sur la peau ou les vêtements, difficilement comprise dans un cadre nord-américain.Génétique et transpiration
Le gène ABCC11, absent chez la majorité des Asiatiques de l’Est, limite la production d’odeur. Ce gène est majoritairement actif chez les personnes d’origine africaine ou européenne, expliquant une sueur naturellement plus odorante – un fait biologique influençant les normes sociales.4. Conseils pratiques pour une intégration sereine
Voici quelques gestes simples pour mieux vivre au Canada tout en respectant sa propre identité :Hygiène quotidienne
- Douche quotidienne ou tous les deux jours.
- Savon sur toutes les zones transpirantes.
- Déodorant ou antisudorifique chaque matin.
Vêtements
- Vêtements propres chaque jour.
- Matières respirantes (coton, lin).
- Nettoyage régulier des manteaux et accessoires.
Alimentation
- Aérer la cuisine et ses vêtements après cuisson.
- Éviter les plats très odorants dans les lieux publics ou les cafétérias.
- Mâcher un chewing-gum ou se brosser les dents après le repas.
Pieds et chaussures
- Changer de chaussettes chaque jour.
- Alterner les chaussures.
- Utiliser des semelles absorbantes ou désodorisantes.
Parfum : avec modération
- Évitez les parfums trop puissants.
- Préférez une légère odeur de savon à une overdose de fragrance.
5. Comportements et codes implicites
Observer et imiter
Soyez attentif à vos collègues : que font-ils après le sport, à l’heure du lunch, au niveau vestimentaire ? S’adapter ne veut pas dire se renier, mais comprendre les règles du jeu.Prévoir les imprévus
Ayez un déodorant ou un t-shirt de rechange sur vous. Apprenez à anticiper vos propres besoins.Demander un retour
Posez la question à un ami proche si vous avez un doute. Mieux vaut demander que subir des jugements silencieux.Réagir avec calme
Si une remarque est faite, ne vous braquez pas. Remerciez la personne, prenez le temps d’analyser la situation et ajustez si nécessaire.Sensibiliser sans s’opposer
Dans certains cas, une remarque peut être ignorante ou blessante. Essayez de répondre calmement, voire d’éduquer gentiment votre interlocuteur si vous sentez une ouverture.Décoder les signaux
Au Canada, peu oseront vous le dire directement. Soyez attentif aux mémos, aux plaisanteries indirectes ou aux comportements d’évitement.Conclusion : s'intégrer sans renier son identité
L’odeur corporelle ne devrait pas freiner une intégration, mais elle peut être un révélateur de chocs culturels profonds. Pour les nouveaux arrivants, il s’agit d’un équilibre à trouver : adopter certaines normes locales tout en gardant son identité. Et pour les sociétés d’accueil, il est temps de remplacer les jugements par la pédagogie et la bienveillance.Sources
- Frontiers in Psychology – Body Odor Based Personality Judgments: The Effect of Fragranced Cosmetics
- Le Journal de Montréal – Son employeur dit qu’il pue trop
- Droit-inc – Son employeur dit qu’il pue trop!
- Scientific American – Body Odor Is Less Repulsive When It Comes from "One of Us"
- Observatoire du Racisme – ARM Lebanon – Racisme et Odeur Corporelle
- Lume Deodorant – Foods and Drinks That Cause Body Odor
- The Guardian – Australian MP says immigrants should be taught to use deodorant
- Wikipedia – Body odor
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